Et pourquoi pas?
On nous avait parlé de l'ashram d'Amma, une des seules femmes guru en Inde, de renommée internationale, une jeune mystique qui a pris dans ses bras, écouté et donné conseil à déjà trente millions de personnes à travers le monde. Incarnation de l'amour et de la compassion inconditionnels, constamment engagée dans des activités caritatives et humanitaires, elle fait déplacer des foules du monde entier. Nous étions assez intrigués par l’ashram d’Amritapuri.
D'Allepey, nous avons alors pris un bateau et nous sommes arrêtés à son "monastère", situé sur une presqu'île entre la mer d'Arabie et les lagunes du Kerala, juste à côté du village où Amma est née. Alors que nous nous attendions à lieu paisible, nous voyons apparaître au loin de gros buildings roses, dont un comporte seize étages ! On nous explique en arrivant qu'Amma (que nous avons raté d’une journée) voulait que son ashram soit le reflet du monde réel, grouillant et surpeuplé. En réalité, une fois sur place, l'endroit n'en demeure pas moins très calme, et l'atmosphère qui se dégage est très agréable. C'est devenu un lieu de recherche spirituelle, d'enseignement et de partage où quelques milliers de résidents indiens ou étrangers vivent en communauté. Certains étaient venus ici pour passer la journée et sont finalement restés quinze, vingt ans ou plus, certains ont même fondé une famille sur place. Chacun s'engage à donner une ou deux heures de son temps chaque jour pour faire vivre la communauté. L'ensemble fonctionne très bien: temple, activités de médiation et autres pratiques spirituelles, centre de massage et de yoga, bibliothèque, salle Internet et de video, imprimerie, clinique et boutique ayurvédiques (médecine naturelle traditionnelle indienne), centre d'écologie et de recyclage, piscine, cuisine, cantine, laverie, le tout géré par les résidents bénévoles. En dehors de ces deux heures de "service désinteressé", et libérés d’une vie basée uniquement sur un épanouissement matériel, les résidents s'adonnent à des activités spirituelles, artistiques, intellectuelles, caritatives, sociales, humanitaires, etc. Nous sommes restés trois jours et avons été formidablement bien accueillis. L’ashram est très bien organisé pour recevoir des visiteurs étrangers et chaque membre nous reçoit avec le sourire, n’hésitant pas à nous proposer son aide, et de répondre à nos questions. Par-delà leur recherche spirituelle et les concepts d’amour, de dévotion et de compassion, nous avons beaucoup apprécié la solidarité qui règne dans cette communauté, l’idée de partage et de service qui a l’air de fonctionner en dehors de toute structure hiérarchique, par la simple volonté spontané de chacun. Chaque résident se rend au bureau de la vie communautaire pour s’inscrire là où il y a besoin d’aide.
Ce qui est aussi agréablement surprenant, c’est qu’on ne rencontre ni des gens austères et pénitents comme l’on peut s’attendre à trouver dans un monastère, ni des illuminés irrationnels partis en Inde pour fuir l’Occident. De plus, sauf quelques moines et nones qui y vivent, les résidents ne sont pas des ascètes détournés de tous les désirs et besoins matériels, mais ils essaient néanmoins de vivre plus simplement et en harmonie avec la nature. Réduisant leurs besoins consuméristes -ne serait-ce que par le fait de partager certains lieux ou biens comme les appareils ménagers indispensables, ordinateurs, télévisions, machines à laver, etc., de manger pas ou peu de viande, d’éviter le superflu et le gaspillage- ils peuvent ainsi s’épanouir dans d’autres activités.
Sans avoir été –encore ?- touchés par une révélation, nous sommes repartis riches de cette expérience nouvelle et qui fait forcément réfléchir.
PS : Ils existent des centres Amma partout dans le monde, dont un en France.
http://www.amma-europe.org/french/centre/Centre_francais.htm
Si vous souhaitez plus d’informations, voici le site en français.
http://www.amritapuri.org/
Nous sommes maintenant à Auroville qui se veut être un lieu « qui n’appartient à personne en particulier mais à l’humanité dans son ensemble », un « lieu de l’éduction perpétuelle, du progrès constant » (Charte d’Auroville), un lieu où chaque citoyen est libre et n’obéit qu’à une seule autorité, sa Vérité Intérieure, sa volonté de servir la conscience universelle pour « donner un corps vivant à une unité humaine concrète ». On retrouve ces valeurs de solidarité, de progrès intérieur, de service désintéressé, de vie en harmonie avec la nature au coeur d’une communauté de 1600 personnes qui se répartissent et vivent dans des « sous-groupes » pour gérer leurs vie et activités communes. Auroville qui a fêté ses 40 ans cette année a mené à terme de nombreux projets d’infrastructures, écologiques, éducatifs, culturels, artistiques, sportifs, de projets de recherche et de développement dans le domaine de l’éducation et de l’environnement en s’efforçant de fonctionner sur une société non hiérarchique, -afin que chacun soit son propre chef et agisse selon sa propre volonté-, en mettant l’accent sur l’éducation afin de former des êtres libres, capables de raisonner par eux-mêmes et sensibiliser aux valeurs humaines essentielles -qui passent aux oubliettes dans la plupart des systèmes scolaires-.
Mais au-delà de l’affirmation de ces principes, Auroville ne semble pas fonctionner comme elle le devrait. Nous sommes très loin de comprendre et d’appréhender tous les querelles et disfonctionnements de cette communauté (il faudrait rester bien plus longtemps), mais il nous semble que le problème majeur (outre le manque de communication entre les différents groupes et des soucis d’organisation) est qu’il n’y a eu aucun détachement -aussi léger qui soit- des besoins et désirs matériels, au contraire...Enfin, c’est l’impression que nous avons ressentie, nous restons encore une ou deux journees pour tenter de comprendre un peu mieux.Estelle et Christophe